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22 août 2010 7 22 /08 /août /2010 13:18

Le site de l'Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR) permet de consulter les différents rapports facilement. Notamment le rapport provisoire 2010 (PDF) (sur les 6 premiers mois) à mettre en regard avec le rapport définitif 2009. Il est très difficile néanmoins de faire soi-même ses propres statistiques (1), car les données présentées varient d'une année à l'autre, elles le sont quelques fois sous forme de tableau et quelques fois sous forme de graphiques, et enfin, la définition des choses comparées varie d'une année à l'autre. Il est quasiment impossible de ressortir des chiffres comparables sur une grande période de temps.

A ce titre, l'annexe 1 (page 19) du rapport définitif 2009 est sans doute le graphique le plus intéressant. C'est en fait à peu près le seul qui soit révélateur, et qui ne cherche pas à manipuler le lecteur (2). On trouve une partie des chiffres ici.

L'interprétation de ce graphique reste toutefois hasardeuse ! Pourquoi ? A cause des raisons suivantes :

- la rapidité d'intervention des secours (et donc de prise en charge) augmente avec les années

- la qualité des soins augmente également

- l'état du réseau routier s'améliore globalement (ce qui cache des dégradations locales, je suis d'accord...)

- la sécurité passive des véhicules (je pense surtout aux châssis, à la préservation de l'habitacle, et aux airbags) s'est améliorée

- la sécurité active des véhicules s'est améliorée aussi, mais c'est un facteur à la marge, puisqu'il tend plus à éviter les accidents qu'à en réduire les conséquences

- le renouvellement du parc des véhicules a connu une grande augmentation ces dernières années (prime à la casse, notamment)

- l'évolution de la règlementation (ceinture obligatoire à l'arrière depuis 1990, etc.)

- la méthode de comptage des décès à changé en 1967 (le seuil passe de 3 jours à 6 jours) et en 2004 (de 6 à 30 jours)

Le graphique présenté montre une tendance qui cache plusieurs variables qui évoluent dans le même sens. 

La chute est indéniable, et la prévention routière (ou plutôt, la répression aveugle) a une part non négligeable dans cette évolution. Il n'empêche que la baisse est due à une multiplicité de facteurs, et il n'est pas possible d'en distinguer les causes. (Du moins, pas avec les chiffres et les rapports que l'ONISR met à notre disposition.)

Une façon d'écarter certains des paramètres de la comparaison serait par exemple de comparer l'évolution de l'écart entre le nombre d'accidents matériels et le nombre d'accidents corporels. Cela permettrait d'estimer la part due aux véhicules (sécurités actives, passives et renouvellement du parc). Malheureusement, les accidents matériels ne sont pas recensés en France (ils sont du ressort des assurances, et non des forces de l'ordre).

 

A côté de ça, certaines phrases dans les rapports font froid dans le dos ; ces phrases sont du genre "x vies auraient pu être épargnées si...." ou "si la vitesse diminuait de x km/h, il y aurait y morts en moins."

C'est une arnaque intellectuelle ; comme dans l'étude du climat, on cherche des relations simplistes dans un modèle complexe, au lieu de chercher à simplifier le modèle. Sauf que pour le climat, au moins, il y a des modèles. Pour la sécurité routière, il n'y a que des simplifications ! La vie des gens sur la route est ramenée à une arithmétique binaire, où il suffirait de se retrouver sous le seuil de vitesse et d'alcoolémie pour rester en vie.

La conséquence de cette propagande ? Une déresponsabilisation des conducteurs, qui s'autorisent toutes les fantaisies (comme rouler à gauche, dépasser par la droite ou s'abstenir des contrôles) sous prétexte qu'ils respectent la vitesse limite... C'est sûr, ces fantaisies, à 90 km/h, ça se termine par un coup de frein et un coup de klaxon de celui qui suit, et à 150, ça se termine par une embardée dans le décor.

Les gens ne savent pas rouler, sont inattentifs, discutent et téléphonent, regardent le paysage. Il est plus simple de niveler par le bas en limitant la vitesse et en faisant dans le tout-répressif que d'apprendre aux gens à conduire (3).

 

(1) Il faudrait que je demande à un de mes proches (qui est assureur) des statistiques détaillées, et que j'écrive à l'ONISR pour avoir leurs chiffres. Mais je suis trop fainéant pour ça - ou plutôt, je ne suis pas vraiment sûr que le jeu en vaille la chandelle.

(2) On remarque surtout des graphiques dont l'évolution commence en 2000 ou en 2003, ce qui tend à occulter l'évolution qui a eu lieu avant, et qui allait dans le même sens. Le graphique A5 (page 26 du rapport 2009) montre une stupéfiante évolution comparée de la vitesse moyenne et du nombre de décès... Il est quand même drôlement étrange de voir qu'avant 2003, il y avait un écart entre les courbes, et qu'après 2003, les courbes se collent l'une à l'autre... évidemment, le choix de l'échelle n'est pas étranger à l'impression donnée par le graphique ! Et en plus, il met en rapport le nombre de tués (VL ; 2RM ; cyclistes ; PL) et la vitesse moyenne des VL seuls...

(3) J'estime qu'environ 10 à 20% des conducteurs sont incapables d'apprendre à conduire, c'est-à-dire d'apprendre à respecter les autres usagers.

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