Si je vivais au Moyen-Âge, j'aurais fini sur un bûcher. Explications (1).
Je ne travaille pas dans l'informatique (ça aurait été ma deuxième vocation...), mais comme je travaille dans les bureaux, les ordinateurs sont omniprésents. Et ils ont la capacité, si vous ne savez pas les amadouer, de faire foirer votre projet, votre réunion, votre journée et votre carrière en un clin d'oeil.
Comme je fais partie de cette génération réputée à l'aise avec les machines - et que, dans les faits, je suis un tout petit peu plus qu'à l'aise, même si mes connaissances restent bien limitées - il m'arrive de dépanner à droite à gauche pour des bricoles, comme rédiger une macro XL, craquer une feuille protégée par mot de passe, faire marcher les logiciels à la con dont on se sert, etc. Rien d'extraordinaire, mais qui parait parfois relever du miracle informatique aux yeux de certains.
De manière générale, on relève plusieurs attitudes face à ce fait. Il est à noter que ces attitudes, à mon sens, sont un reflet direct de l'intelligence des personnes, et se généralisent à tous les domaines et dépassent de loin le seul cadre de l'informatique (mais c'est là que j'ai l'occasion de le voir de la manière la plus claire) :
- les gens qui comprennent les tenants et les aboutissants, qui comprennent tout le potentiel de l'informatique, qui savent définir les besoins et comment y répondre.
- les gens qui savent comment répondre aux besoins, mais qui sont totalement détachés d'un aspect orienté métier, et qui ne peuvent pas comprendre les tenants et les aboutissants, et les besoins.
- les gens qui ont une approche finaliste, orientée métier, qui comprennent les tenants et les aboutissants, qui apprécient les outils à leur juste valeur, mais qui ne s'intéressent pas au fonctionnement, au comment de la chose. Je trouve que c'est signe d'une grande intelligence pratique, mais ces gens sont trop rares.
-les gens qui ne comprennent pas vraiment l'intérêt de l'informatique (ou qui ne la voient que comme un bête gain de temps, et certainement pas comme un gain de puissance de calcul, de puissance de traitement de données, de capacité de calcul et de stockage, de puissance de recoupement et de traitement de l'information, etc.). Voire qui considèrent que c'est juste une perte de temps... Ils suivent le mouvement, mais mornes et sans passion, sans curiosité.
- les gens qui ont une peur irrationnelle de la res informatica et qui cherchent à s'en éloigner le plus possible comme si le démon allait en surgir pour les engloutir (2). Ces gens s'agitent avec forces protestations, et se contentent de ce qu'ils savent, cachant leur ignorance derrière une feinte sagesse, en protestant vigoureusement "je fais comme ça depuis dix ans, et ça marche très bien. Vade retro, satanas !" (3) (4) Ces gens sont une plaie (même si je les comprends), ils sont fermement opposés à toute évolution. Ce sont ces gens qui m'auraient envoyé sur le bûcher il y a quelques siècles - et qui ont toujours à peu près les mêmes intentions, sous des formes plus civilisées.
Lorsque les gens des deux dernières catégories sont confrontés à un logiciel, une application ou une feuille de calcul qui ne fonctionne pas, ils en déduisent que l'informatique ne permet pas de répondre aux besoins, ou que le développeur est incompétent. C'est le critère certain pour les repérer. A aucun moment, ils n'envisagent le fait que les besoins aient pu être mal définis.
Je ne sais plus qui a dit lorsqu'une théorie cesse de se vérifier, ce n'est pas qu'elle est fausse, c'est qu'elle n'est pas assez aboutie. Les esprits médiocres se contentent de rejeter la théorie en bloc en se fondant sur leurs connaissances empiriques. Les autres refondent la théorie (5)... ou l'application.
L'argument, lancé comme une excuse pour son manque de connaissance, qui revient le plus souvent, c'est vous êtes jeunes, vous êtes nés avec l'informatique.
C'est un argument fallacieux, pauvre et tellement commun... Il ne s'agit jamais que d'une question de curiosité et d'intérêt, qui trouve ses limites naturelles (4), une sorte d'équilibre, qui équilibre arrive plus ou moins tôt. La curiosité prend le pas sur la peur qu'on a de casser quelque chose, jusqu'à un certain point. (Ma limite personnelle vient quand je dois démonter du matériel tout neuf...)
La plupart des gens ne s'intéressent qu'à une connaissance immédiate et pratique, soit parce qu'ils y sont contraints (c'est le pire), soit parce qu'ils en perçoivent en partie l'intérêt.
Les gens (en général moins de 20 ans...) addict à facebook, myspace, jeux ou internet (liste non limitative pour ne pas tomber dans les clichés) relèvent complètement de cette catégorie : connaissance pratique et immédiate. Ils ne sont à l'aise avec l'informatique que parce qu'ils ont l'habitude de s'en servir, mais en aucun cas, ils n'ont ce besoin impérieux de comprendre, de maîtriser et de savoir. Mais il y a, dans l'esprit commun d'une certaine génération, un amalgame complet et des préjugés féroces auxquels il ne vaut mieux pas s'attaquer si on ne tient pas à y perdre des plumes.
(1) En fait, il y a une bonne dizaine de raisons pour lesquelles j'aurais pu finir sur un bûcher, mais ce n'est pas l'objet de cet article.
(2) Ce qui arrive parfois quand vous vous ramassez un BSOD juste avant de faire CTRL S.
(3) Et comme disait un de mes professeurs, d'un autre côté, heureusement que depuis les Etrusques et leurs voûtes, on a fait un peu mieux.
(4) Je dois faire ici mention d'une personne tout à fait admirable, que je connais, et qui à 80 ans passés se sert quotidiennement d'un PC pour des tâches parfois plus avancées que ce que beaucoup font en entreprise. Je reconnais que tout intérêt et compréhension trouve des limites naturelles.
(5) Et Einstein couche la relativité sur le papier...