Ce document fait la synthèse de six pages que j'avais développées pour feue ma page personnelle. La rédaction initiale a été faite en allemand pour un exposé, et ce document en est une traduction largement étoffée. Mes sources sont citées au fil de la page, je n'ai jamais pris le temps de les rassembler. Des corrections ont été apportées par la suite, grâce aux commentaires laissés par quelques lecteurs érudits.
Je me permets simplement ici un lien vers la page de Jan van Brugge qui a aimablement accepté de me laisser utiliser un ou deux de ses clichés. Je suis l'auteur des autres photos.
Présentation
Histoire de la construction
Singularités de l'ouvrage
Légendes
Epitaphes remarquables
Pour poursuivre la visite
(Ce sommaire n'est pas cliquable, parce qu'overblog n'accepte pas que j'insère des signets HTML dans cette page - et ça m'énerve. Mais les chapitres devraient être assez bien différenciés pour être repérables.)
J'attire l'attention du lecteur sur le fait que les chapitres Légendes et Epitaphes remarquables sont les plus intéressants. Le chapitre Légendes a une portée plus large que la seule Cathédrale.
La Cathédrale Saint-Etienne de Metz a commencé à exister en tant que telle au XIIIème siècle. Elle a cependant été bâtie sur plusieurs édifices largement antérieurs, certains remontant jusqu'au-delà du VIIIème siècle. L'aspect actuel, singulier par de nombreux aspects, est le fruit d'un héritage multiple et d'une construction bien suprenante que je vous invite modestement à décrouvrir au travers des pages qui suivent. Je passerai assez rapidement sur l'histoire de la Cathédrale, me bornant aux faits essentiels à connaître si l'on veut comprendre l'édifice, pour m'arrêter plus longuement sur les légendes et les singularités architecturales de cet ouvrage, thème absent du web.
La Cathédrale, placé presque à la limite du centre-ville historique, en haut de la Fournirue - qui mène à la place Saint-Jacques, avec ses passages en arcades et ses vieilles bâtisses du haut moyen-âge - à côté de la très récente place d'armes (XVIIIème siècle, de l'architecte Blondel) et à côté des halles couvertes, surplombe la Moselle et son bras-mort.
Ouvrage particulièrement haut (en hauteur intérieure sous voûtes, c'est la troisième plus grande Cathédrale de France, et une des plus longues), surplombé par la tour de la Mutte, ouvrage construit sur un des points les plus hauts de la ville, la Cathédrale est visible de n'importe quel côté lorsque l'on arrive à Metz. Par certains endroit, on peut la voir à des dizaines de kilomètres. Avec son allure unique, ses deux tours placées à la troisième travée, c'est toujours elle qui signale au messin de retour de voyage qu'il rentre enfin au pays...
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Le premier édifice religieux attesté sur le site
La première mention historique d'un édifice religieux sur le site actuel de la Cathédrale de Metz nous fait remonter en l'an 451. Dans son ouvrage L'Histoire des Francs, rédigé en 576, Grégoire de Tours (Georgius Florentius Gregorius, né à Riom près de Clermont vers 538 – décédé à Tours v. 594 ; voir à son sujet le très bon article Wikipédia) évoque pour la première fois l'oratoire de Saint-Etienne, et l'identifie comme étant le premier édifice chrétien intra-muros. Il mentionne brièvement l'oratoire en parlant de l'attaque des Huns d'Atilla (451). Ceci nous amènera à la première histoire (ou légende ?) relative à la Cathédrale (voir la partie "Légendes et singularités"). La Cathédrale est ensuite mentionnée en 616 comme étant le siège de l'Evêque Arnoul.
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La première cathédrale
Le choeur a été reconstruit sous Chrodegang (742-766). La Cathédrale a commencé à exister en tant que telle au VIIIème siècle.
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La Cathédrale Ottonienne
Vers l'an 1000, sous l'évêque Thierry Ier, la Cathédrale a commencé à être construite, dans un style ottonien. Thierry II l'a consacrée en 1042.
En 1186, la construction de la collégiale Notre-Dame (rebaptisée "Notre-Dame la Ronde" en raison de sa forme) à l'ouest de la nef a été attestée. Cette collégiale a constitué une église indépendante de la Cathédrale jusqu'au XIVème siècle. Un mur séparait les deux édifices, qui ne relevaient pas de la même autorité religieuse. Les sols eux-mêmes n'étaient pas au même niveau, ce qui explique les aspects différents des trois premiers piliers (ils ont été retaillés pour descendre le sol d'environ 80cm). A noter que le choeur de la Collégiale a conservé sa hauteur initiale. A ce moment, la Cathédrale est bâtie suivant ce plan :
(Source : Lorraine, Terre d'Art et d'Histoire, (c) Alain Bastien)
On distingue nettement en bas la Collégiale (de forme carrée, avec le chevet visible à droite. Le portail, tracé au sud, date d'une époque ultérieure (point 4). On observe que la Cathédrale ne suit pas l'orientation habituelle Est-Ouest, ce qui est une autre de ses singularités.
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La Cathédrale actuelle ; première campagne de travaux
La construction de la Cathédrale actuelle a commencé sous l'Evêque Conrad de Schaffenberg (1212 - 1224). Comme il était de tradition à l'époque, la reconstruction a commencé par la destruction de la nef puis par sa reconstruction ; cette façon de faire très répendue permettait de maintenir en l'état le choeur (et dans notre cas également la crypte) et donc de continuer d'assurer l'office, même pendant les travaux. Notre-Dame-la-Ronde n'était pas non plus concernée, puisqu'elle n'était toujours pas rattachée à l'épiscopat... Une église indépendante à côté de la Cathédrale !
C'est sous Jacques de Lorraine (1239-1260) que les plans furent modifiés (encore une habitude de l'époque... - quoiqu'aujourd'hui ce soit toujours une fâcheuse tendance des architectes et des maîtres d'ouvrages...) pour se rapprocher du style gothique, alors en plein élan. (La Cathédrale de Metz est construite majoritairement dans un style gothique rayonnant.) La Collégiale n'a cette fois pas resisté... et fut modifiée dans la foulée. A l'exception des trois premiers piliers, l'ancienne séparation n'est pas visible actuellement pour celui qui n'y prête pas plus d'attention que ça...
L'idée phare qui a guidé le tracé de l'élévation a été de construire des bas-côtés d'une hauteur relativement faible (13 mètres) et de privilégier les hautes fenêtres (19 mètres). La voûte a atteint ainsi la hauteur record de 41,77 mètres, ce qui place Metz en troisième position (derrière Beauvais... dont la voûte s'est effondrée... et Amiens). Ce choix architectural, qui a privilégié la lumière, a conduit les Architectes à doter la cathédrale de 6.500 mètres carrés de vitraux (6.496 exactement), ce qui la place en seconde position pour tous les édifices chrétiens dans le monde en terme de surface vitrée. (La cathédrale de Yamoussoukro en comporte 8.400, sachant que c'est un édifice récent.)
C'est au XIIIème siècle que les travaux ont véritablement portés sur l'ancienne Collégiale. Dans le même temps, les deux tours (la Tour du Chapitre, haute de 69 mètres, au nord, et la Tour de la Mutte, haute de 88 mètres, au sud) étaient achevées. Leurs hauteurs ont été déterminées à partir d'une série harmonique (non, le Moyen-Âge n'était pas un âge sombre pour la culture et les sciences !).
La charpente de la toiture a été posée au XIVème siècle ; depuis l'incendie de la toiture, au XIXème siècle (provoqué par un feu d'artifice tiré en 1877 lors de la visite de Guillaume Ier), c'est un ouvrage métallique qui assure cette fonction. Adhémar de Monteil (1327-1361) a fait édifier une chapelle au niveau de la cinquième travée, au sud. En 1380, les voûtes sont construites, et culminent à 41,77 mètres du sol de la nef. Elles ont été édifiées sous la direction du Maître d'Oeuvre Pierre Perrat (le seul Architecte de la Cathédrale dont le nom nous soit parvenu), et ont donné lieu à une belle et étrange légende, que je vous narrerai un peu plus loin...
Autre étape importante, en 1381 le Maître Verrier Hermann de Münster (les plus grands Maîtres Verriers de l'époque étaient originaires d'Allemagne) reçoit la mission de composer les vitraux de la majestueuse façade sud, et donc notamment de la rosace, suivant les thèmes imposés par le Chapitre. Ci-dessous, une vue de la facade sud après nettoyage complet :
L'achèvement de la rosace (11 mètres de diamètre), après celui des voûtes, a marqué la fin de la première campagne de travaux.
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La Cathédrale actuelle ; seconde campagne de travaux
Jusqu'en 1486, les deux seuls événements majeurs ont été l'incendie de la toiture (1468) et la reconstruction de la Chapelle de la cinquième travée (1440).
A cette date, ce sont le choeur et le transept qui sont reconstruits. Ceci reflète bien la réalité des chantiers du Moyen-Âge : après la reconstruction de la nef, l'argent a fait défaut à la Fabrique (chargée de la gestion des fonds), et les travaux du choeur et du transept ont été reportés à une date ultérieure. Les travaux ont suivi une progression logique : démolition puis reconstruction du transept nord (1486-1504) ; démolition et reconstruction du choeur ; démolition et reconstruction du transept sud (achevé en 1521).
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Les travaux récents
En 1755, l'ensemble des annexes de la Cathédrale (notamment le cloître) ont été démolis.
Par la suite, le principal fait marquant est la reconstruction du portail occidental, entre 1764 et 1766, dans un style classique. Ces travaux ont été conduit par l'architecte Blondel en même temps que la construction de la place d'arme. Membre de l'Académie Royale, l’architecte Jacques-François Blondel est resté à Metz du 2 au 20 septembre 1761 pour établir les plans du projet.
Le nouveau portail obstruait le portail de la Vierge et les parties basses de la verrière ocidentale. L'ouvrage sera achevé en 1766 :
En 1898, sous le Reich allemand, ce porche occidental de Blondel a été détruit, et reconstruit dans un style gothique. Le portail de la Vierge a alors été rouvert ,et le sculpteur Dujardin a alors contribué à le restaurer.
J'ai trouvé un plan sur le site d'Alain Bastien. Je le publie ici, avec l'autorisation de l'auteur (le site a malheureusement disparu du web). Ce plan est non daté. Il a été repris sur wikipédia, et est attribué à Dehio, 1902, mais j'ai des doute sur la représentation de certains éléments (les transepts ne correspondent pas à la configuration actuelle, or ceux-ci ont été modifiés vers le XVIème siècle).
J'ai modifié ce plan pour faire figurer l'orientation et l'échelle. Je vous le présente tout de même, sous toutes réserves :
Voici une coupe sur la nef. Le tracé date sans doute à la fin du XIXe siècle ; on remarque notamment la charpente métallique type Palonceau, qui a été édifiée après l'incendie de la toiture de 1877 :
L'achèvement de la rosace (11 mètres de diamètre), après celui des voûtes, a marqué la fin de la première campagne de travaux.
Après vous avoir dressé un bref historique de la construction de la Cathédrale de Metz, je vais m'attarder plus particulièrement sur les singularités de la Cathédrale de Metz, qui sont particulièrement nombreuses, et bien souvent uniques. Bien que m'intéressant à l'histoire de la construction au Moyen-Âge et plus particulièrement aux Cathédrales gothiques, je n'ai jamais trouvé d'autres exemples de la plupart des singularités que je vous présente ici.
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L'orientation
Comme vous n'aurez pas manqué de le constater, si vous avez regardé de façon attentive les deux plans présentés dans la partie Histoire, la Cathédrale de Metz n'est pas orientée suivant le traditionnel axe Est-Ouest (même si on garde par commodité ces directions lorsqu'on décrit l'ouvrage). J'ai relevé un écart d'environ 48°40' marqué vers le Nord. Autrement dit, la Cathédrale est orientée Nord-Est - Sud-Ouest avec un écart de 45/50°.
Cette orientation surprenante est due aux premiers édifices ; il faudrait sans doute remonter au tout premier oratoire pour en trouver une explication convaincante. L'explication la plus probable est la nature du sol ; les premiers Evêques ont du choisir le lieu pour son altitude et sa visibilité (et sa disponibilité...) et les premiers bâtisseurs ont sans doute cherché un sol stable. Pour une cathédrale, le problème des sols n'est pas déterminant (Strasbourg est fondée sur des pieux en bois) car les moyens peuvent être mis ; pour le premier oratoire, les moyens étaient sans doute réduits, et on aura pu déroger à la règle... sans imaginer qu'une Cathédrale serait bâtie par la suite.
J'insiste sur le fait que ceci n'est qu'une pure hypothèse de ma part.
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Les tours
La Tour du Chapitre (69 mètres) et la Tour de la Mutte (88 mètres) ont été, comme nous l'avons dit, construites au milieu de l'édifice, au niveau de la troisième travée (c'est nettement visible sur le plan page précédente, les bas-côtés étant moitié moins larges à cet endroit. (On voit également sur le plan les escaliers hélicoïdaux d'accès.)
La Tour du Chapitre, au Nord, porte la statue d'un imposant Christ en croix. Il est bien moins imposant de le voir sur une photographie qu'en réalité, où il semble tout simplement suspendu dans le vide, lorsqu'on se trouve au pied de la tour :
Le fait original, à Metz, est que les tours ne se trouvent pas au niveau de la façade avant, comme c'est le cas pour la totalité des Cathédrales d'Europe (à ma connaissance). Nous avons déjà expliqué que cela s'explique par l'histoire de la Cathédrale, et notamment par la présence pendant une assez longue période de la Collégiale Notre-Dame à la place des premières travées.
L'effet est assez saisissant.
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Le portail de la Vierge
Le portail de la Vierge se trouve à droite du portail occidental, et pénètre dans la nef suivant un axe sud-est - nord-ouest. C'est actuellement la seule entrée de la Cathédrale pour les visiteurs et les croyants (le portail occidental n'est ouvert qu'aux grandes occasions). Lorsqu'on passe le portail de la Vierge, on entre dans la Cathédrale de biais, en faisant face à la tour du Chapitre, ce qui est particulièrement inhabituel. Ce portail apparaît sur le plan en bas à droite, à côté de l'ancien chevet de Notre-Dame-la-Ronde.
Certaines sources (voir la liste) indiquent que ce portail a été construit par l'architecte Blondel au XVIIIème siècle, en même temps que la place d'arme qui jouxte la Cathédrale. L'orientation aurait été choisie en raison de bâtiments qui jouxtaient la place ; cette hypothèse paraît peu crédible, au vu du fait que tout les bâtiments alentours ont justement été rasés pour pouvoir édifier la place ! D'autres sources mentionnent qu'il aurait été édifié lors de la campagne allemande de travaux, en 1880, mais elles ne sont guère plus convaincantes.
J'ai trouvé d'autres mentions du même portail indiquant qu'il aurait été construit au XIVème siècle, précisément en 1380, lorsque la collégiale Notre-Dame-la-Ronde a été absorbée officiellement par le reste de la cathédrale et que l'on a cherché à homogénéiser l'ensemble. Comme la façade occidentale était encore occupée en quasi-totalité par la verrière, le choix a été fait d'ouvrir un portail à cet endroit plutôt inhabituel. Cela expliquerait pourquoi le portail est très richement sculpté du fait de cette édification à l'époque flamboyante.
Cette même source suggère que ce portail symbolise la lance de Longinus pénétrant le flanc du Christ. (Cet épisode n'est narré que par Jean, 19, dans les Evangiles : "(33) Arrivés à Jésus, voyant qu'il était déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes, (34) mais un des soldats lui perça le côté d'un coup de lance, et aussitôt il en sortit du sang [symbole de l'eucharistie] et de l'eau [symbole du baptême]. (35) Celui qui l'a vu a témoigné, et son témoignage est vrai, et Celui-là [Jésus] sait qu'il dit vrai, pour que vous aussi vous croyez. (36) Car cela est arrivé pour que s'accomplît l'Ecriture : Aucun de ses os ne sera brisé ; (37) et un autre passage dit encore : Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé."). Cette vision en elle même présente un intérêt certain, mais les conclusions qu'en tire l'auteur, Daniel Tant (voir les sources), me semblent excessives.
En tout état de cause, il me semble qu'une analyse architecturale de l'emplacement du portail nous offre une réponse. Partir en diagonale de la première travée a permis au Maître d'OEuvre, de quelque époque qu'il fût, d'élargir l'entrée, un peu à la manière d'un entonoir, et de préserver le chevet de Notre-Dame la Ronde, ainsi que la facade occidentale. Autrement dit, c'est un artifice pour pouvoir développer de manière symétrique et étendue le portail. Le chevet de Notre-Dame-la-Ronde prolongeant la seconde travée, il n'aurait en effet pas été possible d'élargir le portail de manière symétrique en le prolongeant de manière droite ! En outre, cet accès en biais est plus esthétique par rapport à la facade occidentale, et apporte la dimension symbolique qu'on vient de préciser.
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La Lanterne de Dieu
Ses 6.500m² de vitraux font de la Cathédrale de Metz l'édifie le plus vitré du monde chrétien, si l'on met de côté les 30.000m² de la très-récente Cathédrale de Yamoussoukro. Cela lui a valu son surnom de Lanterne de Dieu - et voir la Cathédrale illuminée de l'intérieur, en hiver, et admirer les vitraux... de l'extérieur... laissent penser que ce nom est bien trouvé...
Les vitraux sont dûs principalement à Hermann de Münster (1381, facade occidentale et rosace), Valentin Bousch (vitraux du transept, qui forment les plus grandes baies vitrées d'Europe en vitraux traditionnels) et finalement Marc Chagall (après-guerre). Je vous recommande au sujet de leur description détaillée l'excellent site d'Alain Bastien (page "Sources").
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La troisième Cathédrale la plus haute de France
Avec des voûtes culminant à 41,77 mètres au-dessus du dallage de la nef, le Maîre d'Oeuvre Pierre Perrat a réussi l'exploit d'édifier la troisième plus haute cathédrale de France. Elle est devancée par :
- la Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais ; le choeur du XIIIème siècle culminait à 48,50 mètres avant de s'effondrer et d'être reconstruit ;
- la nef de la Cathédrale d'Amiens atteint 42,30 mètres de haut ; Notre-Dame d'Amiens est également la cathédrale la plus vaste de France, avec une nef de 142 mètres de long.
La Cathédrale de Metz se situe également parmis les plus vastes de France, avec une surface au sol de 3.500m² et une longueur intérieure de 123,20 mètres. La Nef mesure 15 mètres de large.
... et autres petites histoires de la Cathédrale et de la Cité de Metz...
Ce chapitre était au départ destiné aux légendes et histoires relatives à la Cathédrale, mais j'ai choisi de l'étendre légèrement à des légendes relatives à la Ville de Metz et à quelques petites anecdotes croustillantes sur la Cathédrale...
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Légende du Graoully
La légende du Graoully est sans doute la légende la plus connue parmi les gens de la Cité de Metz. C'est l'histoire d'un dragon qui a terrorisé la ville avant son évangélisation par Saint Clément, premier Evêque de Metz, au IIème siècle. J'en ai trouvé un très bon récit sur le site du Graoully. La photographie vient du même site. Je vous le publie avec l'aimable autorisation de son auteur (ce qui ne vous empêche pas d'aller visiter son site !) :
"Il y a bien longtemps de cela, dans la cité messine, un dragon effroyable semait la terreur, l'épouvante et la mort.
On le voyait planer au crépuscule par delà les contrées mosellanes, rasant les toits des bourgades, ses ailes dentelées déployées, l'œil vif, rouge et brillant, prêt à fondre sur sa proie. Les habitants le nommèrent le Graoully, de l'allemand 'graulich', qui signifie terrifiant. Un reptile gigantesque incapable de se déplacer sur terre tant ses pattes étaient courtes, mais non dépourvues de griffes, un corps recouvert d'écailles vert-brun que nulle flèche et nul javelot ne pouvait transpercer. Ce monstre hideux s'offrait chaque soir en festin quelques habitants imprudents. Il survolait la cité, faisant claquer au vent ses larges ailes ciselées, la gueule ouverte, prêt à saisir, entre ses puissantes mâchoires pourvues de deux rangées de crocs acérés, la chair d'un innocent promeneur.
Invincible monstre que celui-là. Rien ne semblait pouvoir le vaincre. Les pointes d'acier et les armes du plus robuste métal se brisaient sur sa carapace comme de ridicules jouets en bois. Seule l'eau semblait inspirer à ce monstre quelque crainte...
Au IIième siècle, Clément arriva de Rome pour apporter la Bonne Parole et l'Evangile en lieux et places de cultes impies. Cet homme d'Eglise, dont la renommée n’était plus à faire, accomplissait de nombreux prodiges. Ainsi, un jour qu’il priait sur les hauteurs de Gorze, l’empreinte de ses genoux resta gravée dans la pierre. Un autre, il ressuscita la fille d’un gouverneur. Il prêchait sur les places publiques et son auditoire était considérable. Néanmoins, les messins avaient toujours en tête ce Graoully qui décimait la population.
Un jour, un légionnaire alla trouver celui que l'on nommait désormais Saint Clément et lui dit en ces termes :
"Puisque tu fais des choses si merveilleuses, tu pourrais bien nous débarrasser du Graoully !"
Saint Clément, sensible aux désastres du monstre et au désarroi de la population, se rendit seul dès le lendemain matin auprès de la tanière du Graoully. Le monstre avait élu domicile dans un amphithéâtre romain abandonné depuis des années, et dont les pierres étaient infestées de serpents de toutes tailles et de tous venins. Saint Clément avançait lentement sans arme vers le repère du dragon sous le regard inquiet, éberlué et craintif de la population restée à l'écart. Soudain, les serpents se dispersèrent en sifflant horriblement, et le Graoully, immense, hideux, surgit de son trou, se dressant de toute sa hauteur devant Saint Clément, prêt à frapper.
Serein, Clément ne recula pas. Fixant froidement le Graoully dans les yeux, il tendit alors la main vers le monstre qui, surpris, parut hésiter longuement. Saint Clément jeta alors son étole au cou du dragon. L’étole s’accrocha aux écailles, et s’enroula autour de la gorge du Graoully. Saint Clément serra très fortement le nœud et traîna le gigantesque reptile jusqu'aux bords de la Seille, avant de le jeter tant bien que mal dans l'eau.
L'eau bouillonna longuement tandis que le Graoully tentait de se débattre. Il ne put déployer ses ailes pour s'échapper et disparut dans les profondeurs du fleuve pour toujours.
Ainsi périt le monstre sanguinaire de la cité de Metz."
Cette légende est le symbole de la chute du paganisme. Le serpent (ou sous sa forme déviée, le dragon) est une divinité reliée à la terre mère dans les religions originelles. Il est associé au démon par la religion chrétienne, sans doute en partie à cause de cette proximité avec la Terre Mère, déesse à mille visages reprise dans de nombreuses religions originelles (et identifiée à la Vierge par les premiers chrétiens, d'où d'ailleurs le culte des Vierges Noires - dont une était présente à Metz, voir plus bas... mais je me perds).
Ici, l'histoire est très simple d'interprétation : Saint Clément, l'évangélisateur, se présente à Metz, et extirpe le dragon païen de l'amphitéatre (qui est lui-même la marque de la très païenne Rome antique) et le condamne à disparaître... C'est la fin des cultes païens (enfin... en apparence seulement... voir plus bas...)
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Saint-Etienne, martyr - sceau de la ville ; armes du Chapitre
C'est à Saint-Etienne, premier martyr chrétien, qu'est consacré la Cathédrale de Metz. Son histoire est brièvement évoquée dans la Bible, uniquement dans les Actes des Apôtres (6, 7). C'est un des premiers diacres de l'Eglise chrétienne, mort par lapidation vers 36 après J.-C. A noter que c'est Saint Paul (encore nommé à l'époque Saül) qui a tenu les manteaux de ses bourreaux.
On le reconnaît dans l'icônographie chrétienne à son étole et aux pierres qu'il porte (les pierres de sa lapidation). Il figure sur les premiers sceaux de la ville de Metz ainsi que sur les armes du Chapitre :
(Source : fr.wikipedia.org :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Premier_sceau_de_la_ville_de_Metz.jpg
repris sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Metz_au_Moyen_Âge)
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Légende de Pierre Perrat
Pierre Perrat fut le Maître d'Oeuvre de la Cathédrale lors de l'édification des voûtes vers 1380. C'est lui qui a dressé les troisièmes plus hautes clefs de voûtes de France.
Voici sa légende (racontée par mes soins) :
Lorsque Pierre Perrat le Maçon Maître d'Oeuvre de la Cathédrale de Metz (le masson maistre de l'ouvraige de leglixe de Mes) en était encore au temps de l'étude dans la Loge des bâtisseurs, il se trouva qu'un jour, il fut à cours d'inspiration. D'avoir tourné et retourné les insolubles problèmes posés par l'édifice, d'avoir épuisé toutes les solutions dont il avait la connaissance, il se trouvait à court d'idées. Comment diable (c'est le cas de dire...) faire pour bâtir toujours plus haut, pour pousser la nef encore plus loin dans les cieux, et pour alléger en même temps les arcs boutants, et garder aux murs l'aspect d'une fine dentelle, pour pouvoir faire de Metz la Cathédrale la plus lumineuse ? A cela, vraiment, son esprit ne trouvait plus de solution.
Un soir cependant, un étrange personnage se présenta à lui. C'était un homme sans âge, de noir vêtu ; et de lui, une étrange et pénétrante odeur de souffre se dégageait. Il traça devant les yeux ébahis du Maître les plans exacts de l'édifice, tels que le Maçon les rêvait sans jamais pouvoir en tracer les épures. Devant pareil prodige, l'effroi passé, la curiosité l'emporta ; et l'homme lui proposa d'échanger les plans contre son âme. Sans nulle hésitation, le Maître signa de son sang le bas du parchemin que lui tendait l'homme.
Bien des années plus tard, les voûtes s'élevaient déjà hautes dans le ciel, et le Maître Maçon, ayant accompli sur terre l'oeuvre divine, vit la fin de ses jours approcher. Lorsque son heure fut venue, ses obsèques furent célébrées dans la Cathédrale qu'il bâtit, et sa dépouille fût déposée dans le mur occidental de la nef.
Lorsqu'il se présenta à Saint Pierre, aux portes du Paradis, alors que celui-ci s'apprêtait à lui faire pénétrer les portes, une odeur âcre de souffre s'éleva ; et l'étrange homme aux plans réapparut, protestant, injuriant Saint Pierre, et lui sommant de lui rendre de suite cette âme, car elle lui appartenait. Et face au Saint, il brandissait un parchemin, du sang du Maître signé.
Mais Saint Pierre à cet instant s'interposa, et fit objecter au Diable que le contrat passé stipulait que celui-ci ne pourrait récupérer que "l'âme de la dépouille portée en terre" alors que le Maçon Maître a eu soin de se faire emmurer dans la Cathédrale... Furieux, le Diable s'en fut dans un nuage ardent...
Les légendes qui courent au sujet du Diable sont très fréquentes dans le monde des Bâtisseurs du Moyen-Âge. On parle beaucoup du Diable qui a tracé les plans de tel ou tel pont (les ponts sont souvent associés à une image diabolique dans le haut moyen-âge, en raison du tabou, de l'interdit de franchissement, imposé par la rivière, et transgressé par les hommes), ou pour telle ou telle Cathédrale.
Souvent, le Diable réclame l'âme du Bâtisseur, qui réussit par des stratagèmes récurents à lui échapper, et parfois il réclame l'âme du premier être vivant qui passera le porche de la Cathédrale consacrée, ou le pont bâti. Alors à coup sûr, c'est un loup ou une brebis qu'on lui envoie...
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La Vierge Noire de Metz
Fulcanelli, dans son ouvrage alchimique Le Mystère des Cathédrales fait mention d'une Vierge Noire à Metz. Je cite mon édition (Société Nouvelle des Editions Pauvert, 2002) page 79. A noter que lui-même cite Witkowski (L'Art profane à l'Eglise) :
"Quant aux statuettes d'Isis, - nous parlons de celles qui échapèrent à la christianisation, - elles sont plus rares encore que les Vierges Noires. Peut-être conviendrait-il d'en rechercher la cause dans la plus haute antiquité de ces icônes. Witkowski en signale une que logeait la Cathédrale Saint-Etienne, de Metz. << Cette figure en pierre d'Isis, écrit l'auteur, mesurant 0m43 de haut sur 0m29 de large, provenait du vieux cloître. La saillie de ce haut relief était de 0m18 ; il représentait un buste nu de femme, mais si maigre que, pour nous servir d'une expression imagée de l'abbé Brantôme, 'elle ne pouvoit rien monster que le bastiment' ; sa tête était couverte d'un voile. Deux mamelles sèches pendaient à sa poitrine comme celles des Dianes d'Ephèse. La peau était colorée en rouge, et la draperie qui contournait la taille en noir... Une statue analogue existait à Saint-Germain-des-Prés et à Saint Etienne de Lyon. "
Selon Fulcanelli, Metz a donc abrité une Vierge Noire. Celle-ci se trouvait dans le vieux cloître, au sud de la Cathédrale, donc à l'emplacement de la place d'Armes actuelle. Pour être exact, cette statue de faible dimensions relevait plutôt des statues d'Isis. On pourrait être surpris en lisant ceci ; que vient donc faire la statue d'une déesse Egyptienne nue dans un cloître chrétien du Moyen-Âge ? Pourquoi l'Inquisition (la Sainte Inquisition, pardon...) ne l'a-t-elle pas fait disparaître, et pourquoi le temps l'a-t-il épargnée ? Aux deux dernières questions, je ne peux pas répondre. A la première, je peux tenter d'apporter un élément de réponse...
Dans l'Egypte antique, Isis était la Déesse Mère, fille de la Terre (Geb, principe masculin) et fille du Ciel (Nout, principe féminin). Elle est la soeur et la femme d'Osiris (dieu des Morts) et la mère d'Horus (dieu du Jour). La légende de la résurrection d'Osiris est particulièrement intéressante, notamment dans le parallèle qu'on peut dresser avec les mythes chrétiens, mais je ne m'attarderais pas plus longuement (je vous renvoie pour cela à Edouard Schuré, Les Grands Initiés, ou à la bibliographie traitant de la religion Egyptienne). Que le lecteur sache seulement que d'une part, la religion Egyptienne a très fortement influencé la mythologie Greque, et donc, de facto, la mythologie Romaine (les romains n'ont rien "inventé" en terme de religion, ils ont plagié entièrement les autres civilisations greques, ce qui me fait dire que les romains étaient profondément païens - chose attestée sans doute par le mépris qu'ils ont pu avoir des autres religions, dont notamment le christianisme et le judaïsme, menaces à la stabiltié de l'Empire). Que le lecteur soit averti encore du fait que, selon Schuré - et selon la Bible elle-même... -, Moïse a bénéficié de l'initiation aux Mystères égyptiens.
Qu'avons-nous alors en Lorraine, au haut Moyen-Âge ? Un christianisme émergent, né du judaïsme, et qui a prospéré sur les ruines fumantes de l'Empire romain et qui essaye de se faire un passage parmi les dragons du paganisme - on en revient au bon Graoully...
Que pense le serf de ce haut Moyen-Âge ? Sa religion est la religion de la Terre. Le sacré, c'est au quotidien qu'il le vit, loin des églises et des cantiques. Sa religion, c'est le ciel qui fait la pluie, le soleil qui fait mûrir son raisin (les côtes de Moselle étaient un haut lieu de production de vin), la grèle qui annéantit ses récoltes.
C'est à Bacchus - dieu romain des plaisirs et du vin notamment - et à Isis qu'il rend le culte. Les autels dédiés à Bacchus sont légion dans notre région, tout particulièrement aux abords de la Moselle. De la religion romaine, les hommes frustres du Moyen-Âge ont gardé un culte païen, quelque chose que je qualifierais tout simplement de sentiment du religieux. Cette religion simple, c'est le Graoully que le Saint Evêque Clément, au IIème siècle, a cherché à repousser hors des coeurs des hommes.
"Le culte de Dionysos à Athènes était accompagné de fêtes, de processions, de représentations théâtrales et musicales. Par la suite, les mystères associés à Dionysos devinrent des occasions de beuveries et de débauche. Ils furent interdits d'abord à Thèbes puis dans toute la Grèce. Ces rites furent introduits à Rome sous le nom de Bacchanales au IIe siècle av. J.-C. [note personnelle : culte de Bacchus, d'où le nom. Vénéré tout particulièrement sur les coteaux de Moselle] Au début, les mystères furent célébrés uniquement par des femmes ; lorsqu'ils furent ouverts aux hommes, les rassemblements furent suspectés de dévergondage et, en 186 av. J.-C., le Sénat romain tenta [tenta !] de supprimer les rites par décret.
Les rites secrets faisaient partie du culte de plusieurs divinités grecques : Héra, reine des dieux, Aphrodite, déesse de l'Amour et Hécate, déesse du Monde souterrain. Un grand nombre de religions étrangères adoptées par les Grecs et les Romains avaient des mystères liés au culte de la divinité ; parmi ces religions, il y avait le culte de la déesse phrygienne Cybèle, la « grande mère » des dieux ; celui de l'égyptienne Isis, déesse de la Lune, de la Nature et de la Fertilité [également "grande mère", ou "déesse mère"], ainsi que le perse Mithra, dieu du Soleil. Le culte de ces divinités se répandit à travers tout le monde gréco-romain et devint très populaire dans les premiers siècles de l'Empire romain. Isis, qui avait rapidement été assimilée à la déesse Déméter, fut vénérée en Italie [et dans certaines régions de France, régions desquelles... la Moselle, même si ce culte n'était pas aussi prononcé que celui voué à Bacchus] jusqu'au Ve siècle apr. J.-C."
Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2005. © 1993-2004 Microsoft Corporation. Tous droits réservés. Article "mystères (religion)".
Oui, on ne terrasse pas si facilement le dragon... (Pour preuve encore, la très fameuse "Fête des Fous", où le peuple se moquait de la religion chrétienne jusque dans les églises et cathédrales.) L'image de la déesse-mère (présente dans de nombreux cultes "païens", et largement récupérée par les sectes), sa croyance, n'a pas pu être supprimée par l'Eglise. Mais ce n'est pas à cela que nos bons hommes du Moyen-Âge se sont arrêtés ! Il a suffit simplement de transformer lentement cette image en l'image de la Vierge Marie...
"Les origines du culte d’Isis sont obscures. Après la fin du Nouvel Empire, le centre du culte d'Isis, qui atteint alors son apogée, se trouve à Philae, une île du Nil où s’élève le plus célèbre des temples qui lui sont dédiés. Très populaire, Isis prend de l’importance au cours des siècles, et acquiert progressivement les qualités des autres divinités féminines. Le culte d'Isis se répand à partir d'Alexandrie à travers le monde hellénistique après le ive siècle av. J.-C. Il apparaît en Grèce en même temps que les cultes d'Horus, son fils, et de Sérapis (nom grec d'Osiris). L'historien grec Hérodote assimile Isis à Déméter, la déesse grecque de la Terre, de l'Agriculture et de la Fertilité. Le culte tripartite d'Isis, Horus et Sérapis est introduit à Rome sous le consulat de Lucius Cornelius Sylla, et devient l'une des branches les plus populaires de la religion romaine. Il acquiert plus tard une mauvaise réputation, en raison du caractère licencieux de certains rites. Les consuls cherchent alors à supprimer ou à limiter le culte d'Isis, qui s'éteint à Rome après l'avènement du christianisme. Les derniers temples égyptiens consacrés à Isis sont fermés au milieu du vie siècle apr. J.-C."
Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2005. © 1993-2004 Microsoft Corporation. Tous droits réservés. Article "Isis", Titre 4, "Culte".
Je ferais encore deux remarques à ce sujet. D'abord, je suis intimement convaincu que le tout premier édifice religieux sur le site, avant même celui dédié à Saint-Etienne, était voué à un culte païen, Isis ou Bacchus, peut-être. Ensuite, je me bornerais à dire que le sentiment religieux que j'évoquais tout à l'heure n'est pas complètement mort, même après plusieurs millénaires. C'est toujours la Vierge Marie que les chrétiens prient en priorité à tout autre Saint ou figure de la Trinité ; c'est à elle qu'on demande :
"Sainte Marie, mère de Dieu" - Isis est la fille du Ciel et de la Terre, mère du dieu du Jour.
"Priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort" - Isis siège sur le Trône des vivants, et ses paroles sont capables de rendre la vie à la gorge qui étouffe.
En résumé, qu'on sache que le culte d'Isis est un culte très ancien, commun à de nombreuses religions, et très probabelement récupéré par le christianisme sous la figure de la Sainte Vierge. J'espère pouvoir rédiger un jour un article plus détaillé sur ce thème ; en attendant, j'invite le lecteur intéressé par le sujet à consulter l'ouvrage déjà cité d'Edouard Schuré et à consulter ma page Sources.
Quoi qu'il en soit, j'ai parcouru plusieurs fois la Cathérdrale, et le Musée de la Cour d'Or de Metz, mais je n'ai jamais vu ne serait-ce que l'ombre de cette statuette (ai-je mal regardé ?).
Un de mes grands souhaits serait de retrouver la trace de cette statue... Charles, gardien de la Cathédrale, a attiré mon attention sur la possibilité d'une confusion avec Notre Dame de Bon Secours, qui est une statue de la Vierge à l'Enfant, effectivement noircie par plusieurs siècles d'exposition à la fumée des anciens cierges, qui contenaient énormément de suif. Elle est revêtue d'une tunique pour cacher son très mauvais état. Cette statue, loin d'être une antique Isis, est une sculpture de pierre, réalisée au XVIème siècle.
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Un empereur sur la facade !
Lorsque l'Alsace et la Moselle, après la défaite de 1870, étaient annexées au Reich allemand, l'Emepereur Guillaume II s'est pris d'intérêt - semble-t-il - pour la Cathédrale de Metz. Comme nous l'avons vu, le portail principal (occidental) de la Cathédrale, construit par Blondel en 1766 dans un style néo-classique, a été démoli par les Allemands qui ont reconstruit un dans un style néogothique. Avec beaucoup de bonheur, de mon point de vue, car le portail néoclassique était particulièrement laid, ou en tout cas en dysharmonie avec l'ensemble gothique.
Guillaume II (mégalomane ?) s'est fait représenter à droite du portail sous les traits de Saint Daniel. Ce prophète de l'Ancien Testament, qui regarde passer les messins depuis plus d'un siècle, arborait une étrange moustache prussienne... jusqu'à ce que les Français, après la première guerre mondiale, ne le rasent à coup de burin !
Ceci dit, même si cette statue est à une place d'honneur, je crois que bien peu de personnes, sur les millions qui passent devant la Cathédrale ou la visitent, remarquent le faciès un peu étrange du prophète Daniel... Un casque à pointe aurait sans doute été du plus bel d'effet !
Au Moyen-Âge, il était fréquent d'inhumer les défunts dans les Cathédrales. Cela concernait tout d'abord les Rois et les Empereurs, et tous les nobles. Il pouvait arriver qu'un chevalier soit inhumé au sein d'une église ou d'une Cathédrale. Le Clergé également était concerné. De nombreux Evêques ou chanoines du Chapitre se faisaient inhumer dans la Cathédrale où ils ont prêché.
A titre exceptionnel, des artisans ou des Maîtres bâtisseurs pouvaient être inhumés au sein de l'édifice qu'ils avaient construit. A Metz, ce fut le cas pour Pierre Perrat, le Maître d'Oeuvre qui édifia les voûtes, et pour Hermann de Münster, qui réalisa les vitraux de la facade occidentale. Je vous présente ici leurs épitaphes...
(Les lecteurs attentifs discerneront les fautes d'orthographe dans les épitaphes... Je pense personnellement qu'elles sont dues à la fatigue inhérente à la lenteur de la taille, qui fait sauter des lettres au tailleur inattentif. L'explication plus courante (complémentaire ?) est que les tailleurs n'étaient pas lettrés, et se basaient sur un modèle, ce qui est majoritairement exact.)
1
Pierre Perrat, Maître d'Oeuvre
DESOUS:CEST:ALTEIT:GIST:MAISTRE:PIERRE:PERRAT:
LE MASSON:MAISTRE:DE LOUVRAIGE:DE LEGLIXE:
DE SAIANS:ET MASTRE:DE:LOVRAIGE:DE LACITEIT:
DE MES:ET DE LESGLIXE:DE NOTRE:DAME:DO CARME
ET DE LA GRANT:ESGLIXE DE TOULT:ET DE VERDUN:
QUI MORUT:LE XXVe JOUR:DU MOIX DE JULET LAN
DE GRACE:NOTRE SIGNOUR:M:ET CCCC:
Cliché par mes soins, 2006. Cliquez pour agrandir.
Sous cet autel gît Maître Pierre Perrat
Le maçon, Maître de l’ouvrage de l’église
De céans et Maître de l’ouvrage de la Cité
De Metz et de l’église de Notre-Dame-des-Carmes
Et de la grande église de Toul et de Verdun
Qui mourût le vingt-cinquième jour du mois de juillet de l’an
De grâce de Notre Seigneur 1400.
Je ne comprends pas le terme "ALTEIT", qui signifie littéralement "AUTEL". Le Maître-Maçon est emmuré dans le mur occidental de la nef, dans la travée qui précède immédiatement le transept. Il n'est certes pas éloigné de certains autels, mais il ne se trouve pas sous un autel. Il est possible que la pierre portant l'épitaphe (environ 1m25 par 75cm de haut) ait été déplacée plus récemment, mais cela serait tout de même surprenant. La pierre en elle-même n'est pas assez large pour acceuillir un corps derrière elle.
2
Hermann de Münster, Maître Verrier
CI DEVANT GIST
MAISTRE HARMAN LI VALRIER
DE MÛNSTERE AN WAILTEFALLE,
ET FIST LE GRANT OZ DE CEANS,
QUI MORUT LE JOR DE LA NOSTRE DAME
EN MARS M.CCC.IIIIXX et XII.
Ci-devant gît
Maître Hermann le Verrier
De Münster en Westphalie,
Et fit la grande rose de céans,
Qui mourût le jour de Notre-Dame
En mars 1392.
J'ai des doutes sur l'année de décès, notée phonétiquement "M.CCC.IIIIXX et XII". La seule certitude est que cette date est postérieure à 1380. Je devrais vérifier sur place les annotations.
J'espère pouvoir étoffer de photographies et de nouveaux éléments cette page au fur et à mesure de mes futures visites à la Cathédrale. J'attends tout particulièrement une photographie de l'épitaphe d'Hermann de Münster...
Pour poursuivre la visite...
Je ne me suis pas particulièrement attardé sur les vitraux de la Cathédrale. Ils méritent pourtant une attention toute particulière : non seulement ils sont exceptionnels de par leur quantité (avec 6 500 m² de vitraux, la Cathédrale de Metz est la plus vitrée de l'hémisphère nord) mais également par leur qualité et par leur diversité. Ils recouvrent l'art du vitrail du XIIIe au XXe siècle... (Mais c'est un peu normal, Metz est une ville qui a la culture du vitrail.)
Si ce sujet vous intéresse, je vous invite à consulter cette page, ou à regarder la vidéo de Jann van Brugge sur les vitraux de Chagall et de Cocteau.
Vous pouvez également jeter un oeil à cette vidéo, qui présente un détail assez sympathique du portail de la Vierge...